Achilles Tatius: Leucippe and Clitophon Book

L'amertume de l'amour, mais une vie chaste, voilà ce que l'histoire de Clitophon nous met en quelque sorte sous les yeux. Mais la vie si chaste de Leucippe ravit tout le monde en extase; on admire comment, battue, les cheveux coupés, outragée, et par-dessus tout, trois fois en danger de mort, elle tenait bon. Si tu veux aussi être vertueux, ami, ne t'arrache pas à l'aspect accessoire du tableau, mais retiens avant tout le dénouement de l'histoire: il unit ceux qui aiment avec chasteté.
Anthologie Palatine



Mosaïque d'Europe à Beyrouth

De tous les romans Grecs que j'ai pu lire, j'ai envie de donner à celui-là une place particulière. Ce n'est pas tant pour son originalité : il s'agit toujours des amours de deux jeunes gens contrariées par les vicissitudes classique du genre: fuite, enlèvement par des pirates, esclavage, enfermement, séducteurs corrompus, individus fourbes et retors. On ne voyage pas non plus autant que dans Les Ethiopiques. Par contre, celui-ci l'emporte par la variété de ce que propose l'auteur : descriptions de tableaux à la Philostrate, description de villes et d'animaux exotiques à la Hérodote, prosopopée des sentiments et passions à la manière des poètes, contes de métamorphoses à la Ovide, interprétation des rêves à la Artémidore, duels rhétoriques à la manière des écoles, pastiches bouffons à la Aristophane, et procès judiciaire à la Lysias, ou tel qu'on en trouve dans bon nombre de fictions états-uniennes. Tout est construit pour le plaisir du lecteur, afin que la variété des styles ne laisse pas de soutenir son intérêt.

Mais le plus plaisant, c'est de voir dans ces tableaux naïfs une antiquité terriblement jeune et vivante, vibrante d'émotion et de sentiments. On y voit aussi avec plus d'acuité cette vie quotidienne où l'esclavage est omniprésent, la religion et l'art omniprésents, la sécurité difficile à établir. C'est curieux de noter que la chose la plus abominable qui puisse arriver, l'horreur absolue pire que la mort elle-même, c'est que la jeune fille puisse perdre sa virginité avant que d'être liée par des noces à un époux légitime. Sur le héros, par contre, semble peser une contrainte bien moins stricte; certes, par fidélité, il refuse de céder aux avances parfois pressantes de femmes aux mains desquelles il tombe à la merci, mais on apprend qu'il a hanté les lupanars, et lorsqu'une femme le presse de céder, il s'exécute finalement mu selon l'auteur par une sorte de magnanimité dont on se demande si la fiancée en aurait été gratifiée également, si elle s'était retrouvée dans la même situation.

Une lecture fort distrayante en somme.